Entre documentaire et fiction, le film de Johan Grimonprez propose de dresser un portrait original du cinéaste Alfred Hitchcock, qui cherche à tuer son double, par l'intermédiaire de ses apparitions dans ses uvres et de ses sosies aujourd'hui. Alfred Hitchcock et « ses copies non-conformes » fournissent le décadrage pour raconter une autre histoire du cinéma et de son double, la télévision. Reprenant la trame de son précédent film, Looking for Alfred (2005), Johan Grimonprez y intègre une complexité nouvelle. Le liant de ce tableau a priori disparate est la silhouette bien connue dHitchcock. Lombre dHitchcock, le sosie dHitchcock, Hitchcock face à lui-même, le Hitchcock du cinéma comme le Hitchcock présentateur de télévision, autant de formes exploitables dans cette étude de la polymorphie.
A la prolifération des visages dAlfred Hitchcock répond un réel insaisissable parce que rendu protéiforme par la multiplication des images. Le personnage mythique du grand réalisateur est incarné pour loccasion par Ron Burrage, devenu le sosie professionnel dHitchcock, qui entretient avec lui plus quune simple ressemblance. Né le même jour, Ron a travaillé au Savoy où Hitchcock allait souvent dîner. La réalité elle-même crée des doubles par la coïncidence et le déjà-vu, thème très important pour Grimonprez qui en extrait une valeur politique.
Thriller politique, Double Take met en scène un récit orchestré par Alfred Hitchcock, le personnage réel et son double, où se mêlent faux-semblants, couples étranges et histoires croisées. À partir dun collage darchives télévisuelles et cinématographiques, Johan Grimonprez, sur un scénario inspiré dune nouvelle de Borges, détourne la figure mythique du « maître du suspense ». Sous la forme dune intrigue ludique, il dissèque la paranoïa dun individu comme métaphore de la crise politique et nous invite à réfléchir à notre propre rapport aux images.